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Pourquoi les données épidémiologiques COVID sur les enfants sont-elles difficiles à interpréter ?

Texte mis à jour le 2020-10-30


Les données disponibles sur le rôle des enfants dans l’épidémie COVID-19 sont difficiles à interpréter car les enfants sont souvent asymptomatiques et participent probablement peu aux premières phases de l’épidémie.

Des études récentes suggèrent que les enfants sont aussi contaminants que les adultes alors que d’autres plus anciennes indiquent qu’ils sont moins 2-3 fois moins contaminants. Voir la question Rôle des enfants dans l’épidémie COVID-19 : que sait-on ? Pourquoi de telles différences ? Parce que l’interprétation des données épidémiologiques sur les enfants est difficile du fait de deux phénomènes.

Premièrement, l’importance des enfants dans la propagation du virus change en fonction du temps et du contexte. La plupart des études épidémiologiques sur les enfants ne sont pas représentatives des situations où le virus circule activement dans la population générale et où les écoles sont ouvertes. En effet, elles ont été réalisées alors que les écoles étaient fermées (confinement, vacances). De plus, elles correspondent à la première phase de l’épidémie COVID-19, alors que le virus était essentiellement transporté par les adultes, qui voyagent plus que les enfants et en moyenne interagissent davantage avec d’autres adultes qu’avec des enfants. Voir la question Rôle des enfants dans l’épidémie COVID-19 : que savons-nous ?

Deuxièmement, plusieurs facteurs conduisent à une sous-estimation du nombre d’enfants contaminés.

Troisièmement, le taux de contamination des enfants au sein des foyers familiaux ne reflète pas le taux de contamination des enfants quand ils vont à l’école. Cinq études réalisées en Chine et en Israël, pendant les périodes de confinement et de vacances, ont comparé le risque d’être infectés par le nouveau coronavirus pour les enfants et pour les adultes d’un même foyer. Ces études ont conclu que parmi les contacts de la personne contagieuse, les enfants sont deux à trois fois moins souvent infectés (testés positifs au SARS-CoV-2) que les adultes. Cependant, il faut prendre en considération le fait qu’au sein d’un foyer, les adultes formant un couple présentent plus de risques de se contaminer mutuellement que les autres membres du foyer, y compris les enfants, pour des raisons évidentes. Une seule de ces études a tenu compte de ce facteur et a exclu les conjoints. Dans ce cas également, le risque d’infection des enfants était inférieur à celui des adultes. Par conséquent, hors milieu scolaire, les enfants pourraient être moins susceptibles que les adultes d’attraper la COVID. Quand les enfants vont à l’école, leurs interactions sociales sont plus nombreuses, ce qui est susceptible d’augmenter leur risque de contamination.

Quatrièmement, les taux de contamination par les enfants peuvent être sous-estimés. Comme expliqué ci-dessus, des cas de transmission du coronavirus au sein des ménages peuvent être incorrectement attribués à un adulte alors qu’il sont le fait d’un enfant. Cela conduit alors à une sous-estimation du taux de contamination par les enfants.

En conclusion, certaines études montrent que les enfants transmettent autant que les adultes alors que d’autres indiquent qu’ils transmettent 2-3 fois moins. Cependant, comme nous l’avons analysé ci-dessus, le nombre d’enfants contaminés et contaminants pourrait être sous-estimé pour de multiples raisons. Il n’y a pas encore de consensus à ce sujet. Par contre, il n’y a aucun doute sur le fait que les enfants peuvent attraper le coronavirus SARS-CoV-2 et le transmettre à d’autres, qu’ils soient enfants ou adultes.


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Sources

Recommandations de l’Institut de Santé Publique Norvégien indiquant que les adultes sont prioritaires pour les tests par rapport aux enfants.

Norvegian Institute of Public Health. Test criteria for coronavirus. Updated 23.09.2020.

Étude des échantillons sanguins de soins ambulatoires de Suède, où la plupart des écoles sont restées ouvertes. La séroprévalence (présence d’anticorps indiquant une infection COVID-19 passée) des jeunes de 0 à 19 ans a augmenté d’avril à début juin 2020 pour atteindre des valeurs semblables à celles des adultes de 20 à 64 ans mi-juin 2020 (6,8% contre 6,4%). La séroprévalence est restée plus faible pour les personnes âgées de ≥ 65 ans (1,5%), qui ont été plus isolées que les autres.

Public Health Agency of Sweden. Påvisning av antikroppar efter genomgången covid‐19 i blodprov från öppenvården (delrapport 1).

Étude israélienne extrêmement détaillée des enfants entre janvier et septembre 2020, avant et après la réouverture des écoles. 677 982 tests RT-qPCR ont été effectués sur des enfants en Israël entre le 27 janvier et le 24 septembre 2020. Parmi ceux-ci, 8% (55 288) étaient positifs. En comparaison, 157 229 sur 2 548 273 (6%) étaient positifs chez les adultes. L'Enquête sérologique nationale menée par le ministère de la Santé a détecté un taux positif chez les enfants de 7% contre 2-5% dans les groupes d'âge adultes. Il est estimé qu’environ 50-70% des enfants infectés par SARS-CoV-2 sont asymptomatiques. L’ouverture des écoles est associée à une augmentation du taux d'enfants positifs et leur fermeture à une diminution. Si on exclut les transmissions causées par les adultes, les enfants ont tendance à être contaminés par d’autres enfants de leur propre tranche d’âge. 7 enfants ont infecté 10 personnes chacun, 3 en ont contaminé 12 chacun et un seul enfant a même infecté 24 personnes.

Israel, Ministry of Health, COVID-19 Report, 18 October 2020.

Dans une étude de séroprévalence portant sur plus de 61 000 personnes en Espagne entre avril et mai 2020, 3,4 % des enfants et des adolescents avaient des anticorps contre le SARS-CoV-2 d’après un test “point-of-care”, contre 4,4 % à 6,0 % des adultes. Dans un sous-ensemble de près de 52 000 personnes ayant subi un test immunologique, l'écart s'est réduit à 3,8 %, contre 4,5 % à 5,0 %. Cette étude a été réalisée alors que les écoles étaient fermées en Espagne depuis mars 2020. Les enfants avaient donc moins d’interactions sociales que lorsqu’ils vont à l’école.

Pollán, M., Pérez-Gómez, B., Pastor-Barriuso, R., Oteo, J., Hernán, M. A., Pérez-Olmeda, M., ... & Molina, M. (2020). Prevalence of SARS-CoV-2 in Spain (ENE-COVID): a nationwide, population-based seroepidemiological study. The Lancet, 396(10250), 535-544.

Analyse de 637 ménages à Bnei Brak en Israël, dont au moins un membre a été testé positif pour le coronavirus SARS-CoV-2 par PCR, et dont tous les autres membres ont ensuite été testés. Les enfants sont deux fois moins infectés (testés positifs au SARS-CoV-2) que les adultes. L'analyse conjointe des données PCR et sérologiques montre que le test PCR ne détecte pas toutes les infections (car pas au bon moment) et que la sous-estimation est plus importante chez les enfants. Toutefois, les différences de taux de détection ne sont pas suffisantes pour expliquer les différences de taux de positivité de la PCR dans les deux groupes d'âge.

Dattner, I., Goldberg, Y., Katriel, G., Yaari, R., Gal, N., Miron, Y., ... & Huppert, A. (2020). The role of children in the spread of COVID-19: Using household data from Bnei Brak, Israel, to estimate the relative susceptibility and infectivity of children. medRxiv.

Bel article de synthèse datant du 28 juillet 2020 sur la transmission du coronavirus par les enfants. Cet article récapitule dans un tableau toutes les études comparant les taux de contamination des enfants et des adultes au sein des foyers familiaux. Ces études montrent que parmi les cas contact de la personne contagieuse, les enfants sont deux à trois fois moins infectés (testés positifs au SARS-CoV-2) que les adultes. Les auteurs considèrent que les comparaisons des taux d’attaque entre groupes d’âge au sein des enfants ne sont pas biaisées. Mais il existe le même risque de sous-estimation : les enfants plus jeunes ont moins de symptômes que les enfants plus âgés, ce qui conduit à moins les identifier comme cas index que les enfants plus âgés.

Goldstein, E., Lipsitch, M., & Cevik, M. (2020). On the effect of age on the transmission of SARS-CoV-2 in households, schools and the community. medRxiv.

Analyse de 105 patients index et leurs 392 cas contact au sein du foyer. Le taux d'attaque secondaire chez les enfants est de 4 % contre 17 % chez les adultes. Le taux d'attaque secondaire des contacts au sein des ménages avec les patients index mis en quarantaine par eux-mêmes depuis l'apparition des symptômes est de 0 %. Le taux d'attaque secondaire des contacts qui sont les conjoints des cas index est de 28 % contre 17 % pour les autres membres adultes du ménage.

Li, W., Zhang, B., Lu, J., Liu, S., Chang, Z., Cao, P., ... & Chen, J. (2020). The characteristics of household transmission of COVID-19. Clinical Infectious Diseases.

Analyse de 2812 cas index et leurs 6690 cas contact dans la province de Trente en Italie en mars-avril 2020, à une époque où les écoles étaient fermées. Les contacts des 14 enfants de moins de 15 ans inclus dans cette étude se sont avérés plus susceptibles d'être infectés que ceux des adultes (taux d'attaque de 22,4% contre 10,6-17,1%).

Fateh‐Moghadam P, Battisti L, Molinaro S, et al. Contact tracing during phase I of the COVID‐19 pandemic in the province of Trento, Italy: key findings and recommendations [preprint]. medRxiv 2020; https://doi.org/10.1101/2020.07.16.20127357

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